Reprise de “Tower Of Meaning” (A. Russel, 1983) en coll. avec Klarafestival
Arthur Russell (1951-1992)
Le violoncelliste, compositeur, producteur, chanteur et musicien américain Arthur Russell était un artiste pur-sang, sans patrie spirituelle. Il faisait de la pop, se frottait parfois au folk et à la country, flirtait avec la musique disco (le single “Is It All Over My Face” sous son alias Loose Joints faisait fureur dans les vogue balls de New York) et proposait ses expérimentations au violoncelle sur la scène d’avant-garde new-yorkaise des années 70-80. Il fréquentait le cercle d’Allen Ginsberg – qui qualifiait les compos de Russell de “musique chewing-gum bouddhiste” – et enregistra même une version alternative de “Psycho Killer” avec les Talking Heads, version qui circule toujours sur YouTube. Il ne sortit que deux albums studio durant sa vie trop brève : l’orchestral Tower Of Meaning en 1983 et le poignant World Of Echo en 1986, année où il fut diagnostiqué positif au VIH.
Après sa mort, on découvrit que ses archives débordaient de compositions inédites : il y avait grosso modo plus de 1 000 heures de musique. Son partenaire, Tom Lee, contacta Steve Knutson, patron du label Audika, pour lui donner accès aux centaines de cassettes, depuis léguées au New York Public Library. Son œuvre posthume – minutieusement classée par genre (“lovelorn folk”, “mutant disco”, “new wave of sweeping instruments”, etc.) – comprend une vingtaine (!) d’albums.
Et son héritage ne cesse de croître. Kanye West l’a samplé sur son chef-d’œuvre The Life of Pablo, Frank Ocean et David Byrne sont fans, Devendra Banhart et Dev Hynes (Blood Orange) le prennent pour un dieu, Sufjan Stevens et Robyn ont repris son travail, etc.
Arthur Russell : Tower Of Meaning (1983)
Tower Of Meaning devait servir de bande-son/B.O. à l’opéra Medea du célèbre metteur en scène Robert Wilson (cf. The Life and Death of Abramovic et Einstein on the Beach). Russell fut présenté à ce dernier par le compositeur minimaliste Philip Glass, mais la collaboration échoua suite à un désaccord entre Russel et Wilson. Glass conserva l’œuvre et la sortit sur son propre label, Chatham Square. Ainsi naquit le premier album de Russel, tiré à seulement 320 exemplaires.
Peter Broderick & Ensemble 0 : Give It to the Sky d’Arthur Russell
Plus tôt cette année, le label britannique phare Erased Tapes (cf. Hatis Noit, Nils Frahm, Rival Consoles, Ólafur Arnalds…) a fait paraître Give It to the Sky: Arthur Russell’s Tower of Meaning Expanded, réalisé par le collectif français à 12 têtes Ensemble 0 et le compositeur/producteur/chanteur Peter Broderick. Fan obsessionnel de Russel, Broderick déboursa 500 dollars pour un exemplaire original de Tower Of Meaning. Mais il ne ressentit pas la même connexion avec son objet collector qu’avec le reste de l’œuvre russellienne. En cause : une certaine “distance”, une “froideur”.
Broderick et Ensemble 0 décidèrent donc de plonger l’œuvre dans un bain de chaleur. Avec succès, selon Mojo, pour qui l’opus offre une expérience “délicieusement immersive et chaleureuse”. Et The Wire de préciser : “Leur inventivité révèle un nouvel angle, en épluchant les couches de sens que recèlent ces morceaux, nous rappelant ainsi une nouvelle fois l’intemporalité de l’œuvre russellienne”.
Line-up :
Pandora Burrus (cor), Sylvain Chauveau (harmonium, ebows, radios, revox), Vianney Desplantes (euphonium), Jozef Dumoulin (piano, claviers), Júlia Gállego Ronda (flûtes), Amélie Grould (vibraphone, percussions), Barbara Hünninger (viole de gambe), Tomoko Katsura (violon), Peter Broderick (voix, violon, guitare), Fanny Meteier (tuba), Julien Pontvianne (saxophones), Stéphane Garin (percussions, field recordings)
Caty Olive (scénographie, lumière), Christian Rizzo (conseil à la dramaturgie musicale), Lucas Pizzini (technicien son), Manuella Rondeau (régie lumière), Alexandre Maillet (régie générale)
Coproducteurs : Scène nationale du Sud Aquitain, MECA-OARA, La Soufflerie-Rezé, Théâtre des 4 Saisons - Gradignan, TAP-Poitiers, Espaces Pluriels - Pau, Orchestre de Pau-Pays de Béarn
Photo: Jean-Jacques Ader