Le volcan au nom imprononçable
Non, nous ne croyons pas en Dieu… Et pourtant… S’il devait exister, on pourrait dire qu’il a fait de l’excellent travail pour l’AB, au cours des dernières semaines. Le volcan au nom imprononçable aura eu, au final, peu de répercutions sur le festival Domino.
Seul le tout premier concert belge de The Hundred in The Hands (signé chez Warp) est tombé à l’eau. Les fans en possession d’un ticket étaient fébriles à la veille du concert. ‘Please make something definite here, there are people that travel for that kind of stuff!’ a t-on pu lire sur notre site. Fair enough. THITH se tenait prêt à partir à l’aéroport de NYC et ils ont été prêts, pendant des jours et des heures, à faire 6000 km pour que le concert ait lieu. Puis, il y eut cette nouvelle sur Twitter : ‘First three shows in Brussels, Amsterdam and Berlin cancelled because of the stupid volcano.’ Conclusion : pas de THITH et un groupe Warp en moins à l’affiche d’une édition très connotée Warp, cette année.
Un Lou affable sur tapis noir. Et des chasseurs de poignées de main.
Que Lou Reed ait pu atteindre Bruxelles relève quasi du miracle. Dieu merci, l’Oncle Lou était en séjour sur le vieux continent depuis une semaine et avait opté pour le train. Qu’il l’ait raté à Paris le jour de son concert à l’AB est une autre histoire …
Si j’ai un truc pour Lou Reed ? Pas vraiment. C’est vrai que j’aime The Velvet Underground, ‘Venus In Furs’ (’67) étant l’une de mes chansons préférées, toutes époques confondues. Et j’aime aussi l’album ‘Songs for Drella’ (’90) qu’il a réalisé avec John Cale. Et oui, j’adore ‘Berlin’ (’73) et l’abrasif ‘New York’ (’89) qui est aujourd’hui un classique du genre et qui fut pour ainsi dire la bande-son de mes quatre mois de voyage en solitaire à travers les USA, au milieu des années 90. Mais je ne dirais pas que je suis un inconditionnel. Et pourtant… On n’a pas tous les jours l’occasion d’accueillir une légende dans son établissement. On avait beau regarder la situation sous tous les angles, cette sensation était palpable dans tout le bâtiment. Un sentiment insaisissable qui tint l’équipe sous son emprise pendant des jours.
Lou aurait-il des exigences bizarres ? On exagère toujours ce genre de choses mais il a effectivement demandé une table de massage et un tapis noir sur scène. Pourquoi ce tapis ? Nous n’en savons toujours rien. Vous auriez son statut, ne demanderiez-vous pas vous aussi un tapis noir sur scène ? De fait ! Un jour sans tapis noir ne vaut pas la peine d’être vécu.
Ok, je le reconnais. Ce soir-là, je devais et j’allais serrer la main de Lou Reed. Un plan ? Je n’en avais pas dans l’immédiat. Une phrase pour entamer la conversation ? Je n’avais rien préparé. Mais si ça venait des tripes (le bien le plus précieux d’un programmateur), ça irait de soi. Si pas, tant pis. Pourquoi voulais-je lui serrer la main ? Je ne sais pas. Je ne suis pas ce qu’on appellerait un « chasseur de poignées de main ».
Un groupe de chasseurs d’autographes – âge moyen : 50 ans – s’était déjà posté à l’entrée du backstage dans l’après-midi, bravant les heures dans l’espoir d’obtenir un gribouillis sur une photo ou un vinyle. Et soudain, Lou Reed apparaît. Il a l’air fatigué et traîne des pieds plus qu’il ne marche. Mais l’homme est amène et fait le bonheur de tous ses fans avec une signature.
Alors qu’il passe la porte du backstage, je lui tends la main. ‘Hi I’m Kurt, promoter of the show tonight’… Il s’arrête et me regarde avec insistance. ‘Ow, so you’re the promoter?. That’s nice.’ Ensemble, nous nous rendons sur scène. Lentement, car il veut admirer tranquillement le mur de photos souvenirs. Il s’arrête et commente régulièrement les clichés exposés au mur. Alex Chilton : ‘So sad he passed away’. My Bloody Valentine : ‘Ah, they reformed recently!’ Je lui rappelle qu’il est monté sur cette même scène en 79. ‘Oh, really?’ Sur le coup, il ne s’en souvient pas. J’aurais dû vérifier si sa photo figurait quelque part…
Sur scène, il retrouve son tour manager qui a passé en revue sa checklist au cours de l’après-midi. Table de massage ok ? Backstage en bonne et due forme ? Etc. Et puis, Lou s’adresse soudain à son tour manager : ‘Have you met Kurt already?’. De fait. Lou : ‘Can you believe this? He said hello to me!’. Et moi de répondre :‘Euh, n’est-ce pas la chose la plus élémentaire ?’ Lou : ‘No, that hardly happens.’
Le tour manager me fait un clin d’oeil et me chuchote que j’ai gagné des points. Et cela avec un simple bonjour. La prochaine fois qu’un chauffeur de bus me regarde à peine quand je lui dis bonjour, je crierai « HE. C’EST CE MÊME BONJOUR QUI A MIS LOU REED A GENOUX ! »…
La perfection du son…
Lou a l’air plus vieux que prévu, il traîne un peu la patte sur scène et souffre visiblement du dos. Cela ne cadre pas vraiment avec l’image de vieux bougon qui lui colle à la peau. Le Lou que je rencontre aujourd’hui se montre charmant, attentif et badin. Sur scène, il se lâche totalement. ‘Ow, what a venue! Oh what a theatre!. Look at the light. Look at the sound’. Il dira encore de jolies choses comme ‘I wanna live here!’. Merci Lou !
Il se plonge dans son soundcheck et se lance pendant plus d’une heure à la recherche du son parfait qu’il veut, et doit absolument atteindre. Ce son, il finira par l’entendre. Il bidouille surtout les loops de guitares qu’il veut amplifier pour que le public les entende dès son entrée en salle. Je prends conscience à ce moment que ‘Metal Machine Music’ n’a jamais été une plaisanterie. C’était vraiment du sérieux, porté par la passion de l’expérimentation.
Je lui dis que John Zorn s’est déjà produit sur cette même scène ‘Oh no, your kiddin’!.’ Et Anthony aussi ‘Ow, Ant played here?’. Quand je lui raconte que Jacques Brel et Edith Piaf sont passés par là aussi, il y a des années, il devient fou ‘Oh no! Now you must be really kiddin’. Je ne me permettrais pas, Lou !
Il y a des gens pour ne pas aimer ‘MMM’. C’est, du reste, tout à fait compréhensible. Certains ont même trouvé le concert encore plus extrême que le disque. Là, c’est incompréhensible. Ces gens ne doivent pas connaître le langage noise de Merzbow, Wolf Eyes, Prurient, Fuck Buttons ou Jazkammer. Est-ce grave ? Non. Mais, avancer une telle chose est, somme toute, plutôt idiot. Surtout de la part de quelqu’un qui écoute autant de la noise avant-gardiste que Nick Drake, Bart Peeters ou la regrettée Yasmine et qui, empli de conviction, a un jour programmé Sandrine à l’AB tout en vouant un culte à Billie Holiday et Chet Baker.
‘This club is as good as it’s gets. Including the people’ me dira encore Lou Reed à la fin du show. Voilà des paroles que nous chérirons pendant des années.
Des mots que nous pourrions un jour graver sur la façade du 110, Boulevard Anspach. Qui sait ?
Photos: Mich Leemans